zoheck

Ben quoi ?!..

Jeudi 26 mars 2009 à 1:41

Hurlements en faveur de Sade.

Il doit être entre 20 heures 5 et 20 heures 15 minutes. Je suis très en avance. Mais cela ne me dérange pas. Je flâne devant les panneaux d'affichages; lis les quelques précisions que je peux glaner sur le film que je vais voir. Puis j'entre. Ou du moins j'essaie : la porte pose quelques difficultés. Normal... Je suis le premier à entrer. L'échange au guichet se fait comme d'habitude, avec les moins de mots possibles et presque murmurés.

Une place étudiant s'il vous plait. Merci. ... Oui, je veux bien. Mmh.. .... Merci.

D'autres difficulté avec la portes à double battants, mais cette fois je m'en sortirais seul.
L'unique pièce m'accueille enfin. Cela faisait si longtemps. Je n'y suis pas allé souvent pourtant. Mais ce lieu est si chaleureux, avec son haut plafond, ses murs de pierres apparentes, ses hautes et larges fenêtres calfeutrées de noir. Et puis tout ces sièges moelleux et douillets rien qu'aux yeux qui veulent bien prendre le temps de glisser sur eux. Pour choisir la bonne place. Au fond, mais pas trop. Mmh non. Un peu plus près. En plein centre. Ah non... Mettons-nous en plein la vue et allons tout devant. Oui mais pas trop; le quatrième rang sera bien.
Le silence.
Toute la salle pour soit.
Pas pour longtemps malheureusement, mais l'espoir fait vivre, non ?
Je suis tout de même très en avance, Mais La conjuration des imbéciles m'accompagne (et je ne crois pas si bien dire). Et quand les rideaux s'écartent, c'est presque à regrets que je quitte les yeux de ce livre.

Hurlements en faveur de Sade...

Premier écran blanc.
Le film commence.
J'écoute, mon visage couvert d'oreilles éclairé par la monotone énonciation d'un (quelconque ?) article de code.

Premier écran noir.
Les pupilles se dilatent. Les oreilles restent à l'affût. Le cerveau, lui, tourne à toute vitesse. Tandis que l'oeil cherche à se raccrocher à quelque chose sur cette aplat lisse, lumineux et totalement noir, que le projecteur crache sur l'écran en ronronnant comme une bête endormie.

Inévitablement.... Première ânerie lâché (inconsciemment ?) par un des spectateurs (ouf! j'ai réussis à rester poli) :
" Il faudrait aller lui dire que la bobine est foutue...! "
Quelques petits rires se font entendre derrière moi. Personne ne bouge. La salle reste plongée dans la pénombre et le ronron. Lui, il ne savait pas ce qu'il venait voir...

Deuxième écran blanc.... suivit de la noire pause.
Le bonhomme se permet un commentaire, suivit des mêmes rires...
Puis ça commence...

A début, en les écoutant d'une oreille sortir leurs conneries, je me disais que ce serait très intéressant d'aller voir cette oeuvre plusieurs fois, en différents endroits et époques, pour observer et comparer les réactions des gens. C'est vrai que ça me tente toujours. Et la prochaine fois, je prendrais note pour ne rien oublier.
Tout de suite deux énergumènes se sont fait remarquer. Le premier paumé, qui s'attendait à se mettre de l'image à fondre sous la rétine. Et un spécimen pure souche de babouin urbain : voix forte et haute, blagues pourries qui font des bides aussi vides que l'écran, rires forcés à chacune de ces dites blagues, et cerise sur le gâteau : air suffisant du type pseudo-lettré qui s'intéresse à l'Oeuvre et s'interroge dessus (à voix bien haute s'il vous plait pour en faire profiter tout le monde)... Le shéma même de la personne qui veut épater sa galerie pas plus fine que lui ou trop blasée par son imbécilité pour lui dire, et qui se croit capable de bouger des foules en lançant des "bah alors personne d'autre parle ? Aller ! Qui veut lancer le débat ? " assommant et énervant...
En second de ce plan auditif, il y a les chuchotements, bien moins contenus que lors d'une scéance plus conventionnelle.

Moi, je ne sais plus si c'est à partir de la première ou de la seconde scène noire, que le malaise m'a sournoisement pris.
Ce silence.
Cette bande noire noire noire.
Intouchable impénétrable.

Insensée.

Avant de m'en rendre compte, je me voyais déjà dans LMDF.
Et je me suis posé une question, que je me pose toujours... L'a-t-il vu ? Avant d'écrire son livre ? Peut-être...

" - Est-ce que tu crois en l'amour ultime ?
- Je ne parlerais qu'en présence de mon avocat ! "


Et là c'est le drame.
Un des spectateurs ( un des trois assis tout près de l'écran devant moi) se lève et quitte la salle. Maintenant que j'y repense, je me dis que c'était peut-être juste parce qu'il ne pouvait déjà plus supporter le babouin urbain et l'homme-sans-cervelle. Et non à cause de ce film étrange...
Un peu plus tard, un deuxième de ces trois là est aussi partis. Il m'a bien fait rire, avec le mal qu'il se donnait pour enfiler son manteau sans lever ses bras ni ses fesses. Comme s'il allait gêner les gens derrière lui ! Il n'y avait absolument rien à voir !
A part du noir et du blanc de bobine usée.

Ah ! Ils en ont bien discuté pendant les nuits du film, du film. Pas mal d'hypothèses... D'idées... Les jours du film, tout le monde se taisait. Tout le monde se taisait parce que les voix de l'écran blanc parlaient. Les spectateurs, eux, n'osaient reprendre la parole que dans le silence de la nuit.
Moi le jour, je fermais les yeux; parce que la lumière vive qui arrivait après la nuit sans aube, me les blessait. Les nuits étaient de plus en plus longues. Tombaient sans prévenir. Coupant la parole des voix. Le jour venait sans prévenir non plus. J'ai même sursauté à un moment.

Je me souviens de montée des prix sur un chantier, d'âge majeur légal à 21 ans, d'une soi-disant introduction du réalisateur (mais il n'était pas là), d'une petite fille  mascotte d'un radio qui s'appelait Pirouette et qui posa son cartable au bord de l'Isère avant de se jeter dedans, de misère, d'hiver, d'amour, de l'article 17..., de notion de suicide, de nuit..... quoi d'autres encore ?.....

Je me souviens de cette fin.
Cette fin qui apporte un malaise; un tel malaise... On y repense longtemps après...
Rien à voir, tout à ressentir.

Et puis cet abruti de mes couilles qui se lève et déclame : " Eh bien merci à vous ! J'étais content d'être là et d'avoir pu débattre avec vous...ect...." .... tsss... Il disait ça comme si c'était lui l'auteur de cette oeuvre. Il était tellement dégoûtant que je n'ai posé sur lui mon regard acide et affligé qu'une fraction de seconde.

Ce film. Hurlements en faveur de Sade. Il faut le voir seul.
Ou bien avec des gens qu'on peut supporter. Donc dans mon cas, seul.

Ce film il faudrait le voir au moins deux fois dans sa vie.
Il est insensé. Il y a du génie dedans.

Juste avant d'aller au Cinématographe, je critiquais justement les nanars hollywoodiens et autres déchets visuels sans consistance qu'on nous sert depuis trop longtemps. Si j'avais pu m'imaginer que quelques heures après j'allais voir le film qui faisait le plus gros FUCK jamais vu dans le monde du cinéma à cette engeance maléfique que je déteste tant... Eh bien... Cela m'aurait très largement suffit comme exemple d'argumentation.


Guy Debord... Chapeau bas !




Par Cassiän le Vendredi 27 mars 2009 à 5:49
Fantastique...
Par Sous-E le Mardi 14 avril 2009 à 19:44
ah ouais... j'avoue...
 

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